Entretien avec Martina Fleischli
L’abandon d’une formation est souvent frustrant pour le participant tout comme pour le prestataire de formation. Quel est le taux d’abandon des cours de rattrapage de la formation continue chez Curio ?
Dans ces « cours de démarrage », le taux est de 15% à 20%. Ce qui, en comparaison avec le taux d’abandon de 7% au niveau de l’école obligatoire paraît très élevé. Surtout que les participants à nos cours ont déjà abandonné une formation auparavant. Les cours de démarrage sont leur seconde chance. C’est pour cela que nous attachons beaucoup d’importance à les maintenir dans notre offre.
Pourquoi les participants interrompent-ils précocement leurs cours ?
Une des raisons principales est la motivation. Cependant, un manque de motivation n'est pas en soi une raison suffisante pour l’abandon d’une formation. Elle est plutôt une conséquence d’une série de difficultés que le participant a rencontrées. De nombreux participants éprouvent un stress psychique. Ne pas vouloir gâcher leur seconde chance met les participants sous une grande pression. C’est un fait avéré que la plupart de nos participants sont issus de familles dysfonctionnelles. Certains participants ne sont pas adaptés à notre programme, ils se sentent perdus dès le départ et finissent par couler dans notre grande école. Ces participants ont besoin d’un accompagnement personnel et de plus de structures vers lesquelles s’orienter.
Vous parlez de méthodes que Curio propose aux participants pour les soutenir dans leur formation pour qu’ils ne l’abandonnent pas. Quelles sont les mesures que vous aviez prises avant le projet DIDO ?
Accompagner et conseiller nos participants individuellement sont une priorité pour nous. Nous avons des conseillers et des conseillères qui déterminent ensemble avec les participants quel programme de formation leur correspond le mieux. Tout au long de la formation, les conseillers et conseillères soutiennent les participants en difficulté. Notre offre de conseil atteint cependant ses limites. Nous ne pouvons aider que les participants qui recherche activement le contact avec nos conseillers et conseillères. Nous ignorons bien souvent les difficultés rencontrées par les participants et notre soutien vient alors trop tard.
Le projet DIDO propose diverses approches pour empêcher l’abandon de la formation. Avez-vous observé un impact positif du projet chez Curio ?
Oui, un des effets positifs important du projet est une prise de conscience accrue de la part des enseignants qu’ils doivent davantage s’efforcer à encourager leurs participants à rester. Donner un cours intéressant ne suffit plus. Ils doivent davantage s’aligner aux motivations et aux peurs de leurs participants et prendre ces facteurs en compte dans la préparation de leurs cours. Un enseignant ne devrait, par exemple, pas se contenter de signaler à l’administration de l’école qu’un participant s’est absenté du cours. Il devrait plutôt essayer de déterminer la raison de cette absence. Cela paraît idéaliste mais les enseignants doivent s’intéresser à ce qui anime les participants et comprendre leur comportement.
Quelle est la contribution du matériel méthodologique et didactique de DIDO ?
D’une part, il donne une impulsion nouvelle à la relation entre enseignant et apprenant, par exemple avec les documents sur le « growth mindset ». D’autre part, des outils concrets qui peuvent être intégrés directement dans les cours sont à la disposition des enseignants. Une enseignante qui travaille déjà depuis 17 ans chez Curio a incorporé le matériel de DIDO dans son cours. Ses apprenants et elle ont défini ensemble les buts à atteindre et effectué un exercice de réflexion visant à augmenter leur capacité de résistance. Les outils ont offert d’autres possibilités à l’enseignante en lui permettant d’apprendre à connaître ses apprenants et leurs besoins. Ça lui a fait plaisir d’aborder une nouvelle approche et elle a beaucoup appris à cette expérience.
Le projet DIDO rassemble des organisations de divers pays européens. Quels sont les avantages de cette coopération transnationale ?
Bien que nous travaillions dans des pays et dans des cadres différents, les problèmes sont similaires. L’abandon de formation est une réalité dans tous les pays européens. Malgré les points communs, il y a aussi de nombreuses différences entre les pays, desquelles nous pouvons beaucoup apprendre. Par exemple, l’idée des Finlandais que l’apprentissage est un processus qui dure toute la vie est très inspirante pour notre projet. Certaines approches déjà bien établies sont aussi directement reprises dans le projet. Nous profitons des expériences positives et négatives qui ont déjà été faites au cours des années. Résoudre des problèmes communs avec des ressources différentes est une expérience très enrichissante.
Comment vous assurez-vous de faire profiter vos collègues de vos expériences ?
D’une part, j’utilise chaque occasion pour présenter mes expériences et les résultats du projet. D’autre part, j’invite d’autres enseignants à m'accompagner aux réunions et formations qui ont lieu en Europe. Personne ne s’est exclamé « Plus jamais ! ». Ces expériences positives et l’enthousiasme se sont étendus partout chez Curio et ont éveillé la curiosité de mes collègues qui veulent maintenant participer au projet. Il est primordial de demander aux collègues environ 3 ou 4 semaines après les formations et réunions auxquelles ils ont assisté en Europe si et dans quelle mesure ils ont pu mettre en pratique ce qu’ils y ont appris.
