Acquisition de compétences linguistiques grâce à la poésie: est-ce possible? Retour sur l’atelier POETA


À première vue, les compétences fondamentales et la poésie ne vont pas très bien ensemble. Une approche pédagogique basée sur la poésie peut-elle fonctionner tout de même? C’est ce que nous avons voulu savoir avec l’atelier POETA.

Toi, tu as «meurs», et moi, j’ai «mort». Ça doit aller ensemble. Et regarde, ici, ton «l’année dernière» va avec «cette année» que j’ai sur mon papier.

Ces échanges sont les premières minutes de l’atelier POETA, consacré à la pédagogie poétique dans la transmission des compétences fondamentales, durant lesquelles nous travaillons déjà de manière intensive sur des poèmes. Tous les participants et participantes ont reçu des bouts de papier sur lesquels sont inscrits des fragments de texte. Leur mission: trouver les parties qui vont ensemble et l’ordre permettant de former un poème.

Après avoir rapidement trouvé les personnes en possession des bouts qui nous intéressent, nous discutons de ce que peut bien signifier le résultat: «l’année dernière, je suis | mort cette année | je ne meurs pas». «Ce qui ne te tue pas te rend plus fort, pensons-nous», «mais ce qui te tue aussi», pourrions-nous ajouter au vu de la solution obtenue. La mort fait partie de la vie, tout comme la confiance, et est-ce qu’on ne connaît pas de toute façon mille morts au cours de notre existence?

«Un objet magique»

Nous discutons également de ce que nous attendons de l’atelier. J’explique alors que je souhaite personnellement savoir si la pédagogie poétique n’est pas trop déconnectée du réel pour pouvoir être utilisée dans l’enseignement des compétences fondamentales. Quand j’entends «poésie», je pense après tout au lyrisme, et il me semble donc qu’il faut déjà très bien maîtriser la langue pour se confronter à des poèmes.

En réunissant puis présentant nos bouts de papier, nous réalisons toutefois qu’il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse (même s’il faut se concentrer un peu pour accepter cette réalité) et que les erreurs sont créatives. Quelle que soit la façon dont on assemble les éléments, le résultat sera poétique et le processus créatif. Ou, comme l’exprime Kajo Wintzen, l’une des trois personnes animant l’atelier: «La poésie est un objet magique.»

Plus tard dans l’atelier, je constate que les attentes en matière de poésie ne sont pas obligées d’être aussi élevées. Il s’agit avant tout de vivre une expérience sensorielle à travers les mots et de prendre plaisir à utiliser la langue. Car quiconque joue avec la langue fait déjà de la poésie. Les objectifs de la pédagogie poétique sont donc les suivants, pour reprendre les mots de la formatrice Selina Tschid: la découverte active des beaux-arts, l’épanouissement personnel et l’autonomisation des personnes.

Il n’est pas question de vérité ou d’utilité

En deuxième partie de journée, nous entrons en contact avec la poésie au moyen de divers médias, par exemple une vidéo, des citations ou encore des illustrations de revues. Nous découpons des journaux et des magazines et faisons des associations et des jeux de mots avec les différents termes obtenus.  «La poésie ne sert à rien», entends-je dire. Mais tout doit-il toujours être utile? «Notre volonté est de produire le moins de vérité possible», explique la formatrice Rubia Salgado.

Rubia Salgado travaille avec des femmes dont certaines ont vécu des choses terribles et qui, grâce à la poésie, parviennent à exprimer ce qu’elles ont vécu et à faire un travail dessus. Il n’est pas nécessaire de prononcer le terme «poésie» lorsque l’on travaille avec les personnes participant à l’atelier. Ce qui compte bien davantage, c’est d’avoir une «attitude poétique», laquelle autorise un grand nombre de choses tout en offrant un espace aux pensées et en favorisant la transformation de ces dernières
en autre chose. Les métaphores sont un exemple de cette transformation.

Un accès à la langue

En principe, le but de la formation est de trouver un accès à la langue, d’avoir conscience de cette langue et d’aller plus loin en l’utilisant autrement que pour simplement transmettre des informations. Comme l’a démontré cet atelier, cela peut également passer par une recette de kouglof, car la poésie se niche également dans le quotidien.

À l’issue de l’atelier, je partage donc l’avis de celles et ceux qui disent que tout le monde peut faire de la poésie. J’ai expérimenté une confrontation à la langue amusante et créative. Bien sûr, c’est plus facile quand on aime les langues, comme c’est mon cas. Mais si on dispose de suffisamment de temps et d’espace, tout le monde peut trouver un chemin qui mène à la langue.

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