Cette année, la journée FSEA sur la qualité a eu lieu en ligne. Elle portait sur la qualité de la formation en ligne, ce qui a créé un jeu de miroir entre le vécu et ce qui était discuté. Rapport d’un événement spécial en ces temps si particuliers.
« Au revoir et bonne… », conclut Ueli Bürgi à la fin de la journée. Le mot « route » a failli échapper au responsable qualité dans la formation continue de la FSEA. Il se rattrape en finissant par un « … bonne soirée. »
Notre nouvelle réalité due au Covid fait que la journée de la qualité a lieu en télétravail dans une salle virtuelle au lieu d’une salle comble à Berne, mais cette réalité n’est pas encore tout à fait ancrée dans nos habitudes. Cette journée d’automne nous rappelle à plusieurs reprises ce à quoi il faut s’habituer lors d’événements en ligne. Il y a trois semaines, la FSEA avait décidé que l’événement aurait lieu de manière virtuelle, via le logiciel de vidéoconférence Zoom, au lieu d’avoir lieu comme prévu à l’Eventfabrik de Berne, en raison de l’évolution du nombre de cas infectés par le virus Covid. En début d’après-midi, une centaine de personnes s’est réunie dans la salle de conférence virtuelle pour participer à trois ateliers sur la qualité de la formation continue en ligne : au niveau de l’organisation, de l’offre et du système de qualité. Après une courte introduction d’Ueli Bürgi, les participant-e-s rejoignent leur premier atelier.
Transférer la didactique du présentiel à l’enseignement en ligne
Soudain, une femme inconnue apparait sur mon écran. Depuis la fenêtre de mon navigateur, elle semble me regarder droit dans les yeux. Que me veut-elle ? Et puis d’ailleurs, qui est-ce ? Je découvre ensuite avec soulagement, grâce au nom qui s’affiche, qu’il s’agit de la première intervenante : Claudia Bremer.
Claudia Bremer, membre du comité directeur de la Société pour les médias dans la science (GMW), est responsable de la conception, du conseil et de l’accompagnement pour la création d’événements en e-learning et en blended-learning, jusqu’à récemment auprès de l’Université Goethe de Francfort-sur-le-Main. Selon Mme Bremer, les critères de qualité pour les formations en ligne sont souvent les mêmes que pour le présentiel. Ce constat s’applique aussi aux formateurs et formatrices, comme elle l’indique dans sa présentation : « le besoin en connaissances didactiques est le même pour la formation en ligne ». Plus tard dans la journée, Mme Bremer va plus loin lorsqu’elle constate que lors du passage vers l’enseignement en ligne, les hautes écoles commencent par se préoccuper de didactique.
La discussion se poursuit dans des « breakout rooms » : des sous-groupes de discussion en ligne. Plus tard, quelqu’un demandera dans le chat ce qu’est un « breakout room » ? Ce vocabulaire de Zoom et autres logiciels est encore nouveau pour nombres d’entre nous. Les connaissances acquises lors des discussions en petits groupes sont reprises sur des padlets, sorte d’équivalents numériques des tableaux de conférence ou des post-its avec l’avantage d’être tout de suite visibles et accessibles en ligne. Pour conclure, l’intervenante fait un bref résumé, et nous passons à l’atelier suivant.
Tracasseries techniques
En présentiel, je jetterais un œil autour de moi, pour vérifier que j’ai bien compris que c’est possible de rester dans la même salle et j’aurais pu entendre comment quelqu’un répond avec l’affirmative à exactement la même question posée par un voisin, et soulagé, j’aurais pu aller prendre un café. À la place : Différentes personnes dans la grande fenêtre du navigateur posent des questions d’organisation que tout le monde entend : « Les breakout-groups sont déjà en place ? », « Je peux commencer ? », « Je vous mets co-animateur ».
Markus Dormann, chef du département E-Didactique et éducation numérique (FFHS Brig) est l’intervenant du deuxième atelier, orienté vers l’offre. Un organisme d’enseignement à distance est par excellence un expert en matière de blended learning et notamment sur la relation entre le présentiel et l’apprentissage à distance. Cependant, M. Dormann n’est pas à l’abri des petites tracasseries techniques. « Vous avez le son ? » demande-t-il lorsqu’il lance une première fois une vidéo d’introduction – un clip publicitaire pour la FFHS dans lequel, Nevin Galmarina, champion olympique de snowboard, explique comment il a pu concilier pratique sportive de haut niveau et formation continue grâce à l’enseignement à distance. « Pas de son », répond le public instantanément par le chat. Deuxième essai. Cette fois, avec le son.
Dans sa présentation, M. Dormann montre que dans un contexte numérique, l’enseignant-e doit non seulement maitriser le contenu du cours et la pédagogie mais il ou elle doit aussi maitriser la technologie. Plus tard, lorsqu’il énumère les avantages et les inconvénients de l’apprentissage en ligne, il mentionne également le savoir-faire des utilisateurs. Parmi les inconvénients notoires, il cite les deux points suivants : une courbe de l’attention raccourcie et un risque accru de distraction (pourquoi pas vite consulter sa boîte mails ?). Du côté avantages, il cite la flexibilité et le fait que l’enseignement ne dépend plus d’un lieu ce qui permet à un sportif professionnel comme Nevin Galmarini d’y accéder. M. Dormann souligne que « Les avantages et les inconvénients de cette forme d’apprentissage varient fortement selon le contexte ». C’est, d’ailleurs, ce qui ressort tout au long de la journée. C’est difficile de généraliser et de déterminer lequel de l’enseignement en ligne ou en présentiel est qualitativement meilleur. Mettre en opposition ces deux formes d’enseignement ne semble pas être constructif.
Voici encore une illustration de la divergence entre bonnes pratiques et la réalité vécue lors de cette journée en ligne : alors que l’intervenant souligne qu’il est important que les participants activent leur vidéo et explique comment les inciter à le faire, que des écrans noirs avec le nom des participants apparaissent dans la salle virtuelle de notre journée.
Le regard que je porte maintenant sur l’horloge est normalement aussi un signal non verbal pour informer l’intervenant qu’il a déjà dépassé de quelques minutes et que mon organisme a un besoin urgent de caféine. Mais, lorsque l’intervenant prend encore une question alors qu’il est déjà en retard de 5 minutes, je quitte mon écran et je cours à la cuisine. Puisque personne ne peut le voir.
Des critères de qualité spécifiques pour l’enseignement en ligne ?
Après la pause, sans les discussions informelles habituelles, commencent les deux dernières présentations de l’après-midi. Le programme annonce deux brèves présentations de points de vue différenciés sur la nécessité de définir des critères et des indicateurs de qualité spécifiques pour l’enseignement à distance. Une question directement en rapport avec la révision en cours de la norme eduQua. Cependant, l’avis des deux experts n’est pas si divergent. Olivier Marro, chef de projet au Service de la formation continue du Département de l’éducation du Canton de Genève est pour l’ajout de critères de qualité spécifiques alors que Dr. Christoph Grolimund de l’agence suisse d‘accréditation et d’assurance qualité (AAQ) commence sa présentation par un rejet catégorique de ces « normes pour l’enseignement en ligne », mais transforme rapidement son « non » en un « en principe non ». Il précise, qu’il ne faudrait pas définir des critères trop rigides, mais qu’il faudrait sensibiliser les organismes qui offrent des formations en ligne aux défis que représentent cette forme d’apprentissage en leur fournissant des recommandations ou des lignes directrices pour l’assurance qualité interne.
Cela nous montre encore une fois que la distinction entre cours en présence et en ligne n’est pas anodine que ce soit au niveau des avantages et inconvénients ou sur la question de la qualité de l’offre. Ainsi, le critère de qualité le plus important est peut-être comme le souligne Bernhard Grämiger, directeur de la FSEA, dans sa conclusion : « Il est essentiel que les besoins des participants restent au centre de l’offre ». C’est la fin de la journée nationale : « Au revoir et bonne… bonne soirée. »
J’éteins mon ordinateur, et me voilà, là où j’étais en fait toute la journée : à la maison. Est-ce que j’ai vraiment été à cette journée ? Je n’en suis plus trop sûr.